La chasse aux sorcières
Depuis le début de l'année plusieurs médias ont choisit de braquer leurs projecteurs sur les cartes bancaires prépayées. Super, vous direz-vous! Mais il y a vraiment de quoi se poser des questions lorsqu'on constate que ce n'est que pour jeter l'opprobre sur ces nouveaux moyens de paiements. Faut-il y voir la main invisible de quelque lobby bancaire influant ? Difficile de ne pas le croire tant le manque d'impartialité est flagrant. Cela a commencé par un article dans le mensuel "Capital" de février 2012 intitulé "Cartes bancaires prépayées, les escrocs leur disent merci" (disponible en ligne ici).
Puis nous avons eu droit à un reportage de Frédéric Crotta diffusé le 6 avril 2012 durant le journal de 20h de France 2 où les cartes bancaires prépayées étaient présentées comme l'outil idéal des braqueurs, escrocs et autres trafiquants de drogue.
C'est, à notre avis, un procés injuste fait aux cartes bancaires prépayées, et nous regrettons que les journalistes aient pris pour argent comptant ce que leurs "sources" ont bien voulu leur raconter sur ce prétendu fléau. Ils auraient pu au moins prendre la peine d'approfondir leur enquête.
A les croire, les cartes bancaires prépayées rendraient la vie plus facile aux criminels en leur simplifiant le transfert de fonds à l'étranger, la rémunération des complices, le financement de projets criminels et le blanchiment des revenus de leurs crimes... Et cela en tout anonymat et sans aucune traçabilité. La preuve? Il est de plus en plus fréquent d'arrêter des criminels en possession de cartes bancaires prépayées. La belle affaire...
Tout le monde sait que rien n'offre plus d'anonymat, ni moins de traçabilité que l'argent liquide. Et il est encore plus fréquent d'interpeller les criminels avec des centaines de milliers d'euros en espèces. On ne condamne par pour autant la Banque de France pour avoir émis les billets de banque que l'on retrouve en grande quantité entre les mains des escrocs, des bandits et des trafiquants. Ceux-ci disposent d'ailleurs depuis bien longtemps de techniques et de circuits éprouvés permettant de blanchir des sommes plus importantes que ne le permettent les cartes prépayées: casinos, loteries, sociétés-écran, mandats poste, agences de transfert de fonds, bureaux de change, etc. Les cartes bancaires prépayées ne représentent qu'une partie insignifiante des montants colossaux liés à la fraude financière et au blanchiment.
La monnaie électronique utilisée par les cartes bancaires prépayées est très strictement encadrée. L'anonymat n'est possible que pour des montants très faibles (2500€/an soit 208€/mois) et il faut donc activer des centaines de cartes prépayées (avec en général un numéro de téléphone mobile différent à chaque fois) pour arriver à écouler des sommes importantes. Pas de quoi séduire les grandes organisations criminelles, tout au plus la petite délinquance de quartier.
Au-delà de ce plafond de 2500€/an, les émetteurs de cartes bancaires prépayées sont tenus aux mêmes obligations de vigilance que les établissements bancaires classiques (justificatifs d'identité et de domicile). En outre, ils sont également soumis à la réglementation qui les obligent à déclarer toute activité financière suspecte aux organismes de lutte contre les circuits financiers clandestins tels que Tracfin. Il est donc inexact de dire qu'il n'existe aucune traçabilité des opérations effectuées avec la monnaie électronique.
Ces journalistes oublient enfin - mais peut-être délibérement - d'anlayser l'intérêt que représentent ces nouveaux moyens de paiement pour une immense majorité de citoyens honnêtes: argent de poche, partage d'argent, voyages, sécurité des achats sur internet, interdiction bancaire, etc.
Faudrait-il interdire les casinos, les loteries, les agences de transfert de fonds, les voitures de grosse cylindrée, les billets de banque, les chéquiers, les téléphones mobiles, internet et je ne sais quoi d'autre sous prétexte que les voyous les utilisent également pour leurs méfaits ? Enfin, soyons sérieux...
C'est pourquoi il est difficile de ne pas voir dans cette campagne de dénigrement, les agissements des représentants d'intérêts économiques qui voient d'un mauvais oeil une concurrence à museler par tous les moyens.